L’art de l’échouage
Les marées en Bretagne Sud ont des marnages de plusieurs mètres, principalement en vives eaux. De nombreux sites se retrouvent découverts à marée basse : autant de mouillages exceptionnels dont vous ne pourrez profiter qu’avec un bateau échouable.
Seuls certains bateaux sont adaptés à cette pratique : les dériveurs intégraux, les biquilles et les dériveurs lestés.
Notre Ovni 385 est un dériveur intégral. La dérive rentre complètement dans la coque lorsqu’elle est relevée. Le safran se relève lui aussi pour le pas toucher le fond lorsque le bateau se pose sur son fond de coque. A marée basse le bateau est posé de manière très stable sur le sol, assez bas, ce qui permet de monter et descendre facilement pour aller se promener ou profiter de l’estran.
Le Sun Odyssey 32 est un dériveur lesté qui se pose sur 2 saumons sous la coque et sur ces 2 safrans. Il est lui aussi très proche du sol. La dérive aura été remontée préalablement dans le fond de coque.
Les RM de notre flotte sont tous des biquilles / mono-safran (à l’exception du RM 1380 qui nous rejoindra en septembre 2025). Ils se posent sur leurs 2 quilles et sur le safran. Ils sont aussi très stables sur ce trépied mais beaucoup plus haut par rapport au sol. La descente et la montée à bord se font obligatoirement avec une échelle qui est souvent rallongée.
Les Mojito 888 sont à quille relevable. Le bateau se pose alors sur le bord d’attaque de sa dérive et sur 2 béquilles télescopiques installées dans le cockpit. La préparation du bateau pour l’échouage ne prend que quelques minutes mais il faut faire plus attention à la nature du fond que pour les autres bateaux. En effet, les cailloux, graviers ou points dures peuvent venir endommager le bord d’attaque de la dérive qui reste un point un peu fragile.
Les autres bateaux de notre flotte ne sont pas échouables et obligent donc leurs équipages à toujours choisir un mouillage qui leur laissera suffisamment d’eau à marée basse.
Les spots pour l’échouage sont multiples en Bretagne sud ou en mer d’Iroise. Les guides nautiques disponibles à bord des bateaux et le site de l’AVRM (https://rm-asso.org/) vous donneront toutes les indications pour choisir votre échouage et vous installer sans risques. Citons ici simplement les mouillages incontournables :
Le port de Sauzon. C’est le lieu idéal pour s’essayer à l’expérience de l’échouage. Le fond est sain et ferme et les bateaux sont amarrés cul et tête ce qui limite les mouvements de votre bateau mais aussi celui des bateaux voisins. Le lieu est parfaitement abrité des tous les vents ; au contraire de l’avant-port qui peut être très inconfortable par vent de secteur nord à est assez fréquent la nuit en été, et le village de Sauzon est fort sympathique. N’hésitez pas à consulter notre article.
La plage du Loch dans l’archipel des Glénan. Cette superbe plage se situe au nord de l’île du Loch au cœur de l’archipel. Une vaste zone plane de sable découvre à marée basse. C’est un site idéal pour mouiller votre ancre (ou les 2) et attendre tranquillement que l’eau baisse pour vous échouer. Vous pourrez alors gagner la plage à pied et laisser les enfants jouer à partir du bateau en toute sécurité. L’avantage de la marée basse tient aussi au départ de tous les bateaux à moteur semi-rigides qui encombrent la plage à marée haute ainsi que des voiliers « non échouables ». A marée basse, ne restent souvent alors que quelques voiliers largement espacés les uns des autres pour profiter d’une nuit bien tranquille.
La ria de Merrien. C’est aussi un très bel abri beaucoup moins connu et couru que les îles de la région. Une grande zone de sable se trouve du coté de la rive gauche (à droite en entrant donc) qui va jusqu’aux coffres visiteurs. Les nuits y sont très calmes, mais dès le matin, relativement tôt, les pécheurs locaux partent en mer et peuvent générer quelque clapot. Attention, par vent fort de sud – sud-ouest, cette ria n’est pas un bon refuge, il faut éviter d’y échouer.
Le port de Sein. Une grande zone de sable parsemée de quelques cailloux découvre à marée basse. Elle est protégée à l’ouest et au sud pour l’île elle-même et à l’Est et Nord Est par une longue digue. L’abri est donc bien protégé pour ceux qui peuvent s’échouer. Le village ainsi que le reste de l’île ont un charme fou. Il y a, sur le Quai des Français Libres qui longue la rade, quelques restaurants et bistrots qui valent le coup de s’arrêter.
N’hésitez pas à consulter les pages de notre site relatives aux différents mouillages recommandés.
Après vous avoir alléché avec ces différentes destinations de rêve, voici maintenant les conseils pratiques pour un échouage réussi. Nous distinguons 5 points importants à retenir pour s’assurer que tout se passe pour le mieux.
1 – Nature du fond
Le fond doit être plat, relativement ferme et sans cailloux ou galets afin de garantir que le bateau sera posé à plat (ce qui est mieux pour le confort à bord) et qu’il ne subira pas de dommages.
Un sol trop mou n’est pas complètement exclu mais il faut faire très attention. Une des quilles ou le safran (pour les RM qui sont Biquilles) pourrait rencontrer avant l’autre une zone dure et faire pencher votre bateau en s’enfonçant, ou la vase venir boucher les passes-coque du bateau et en particulier celui du moteur (pour ceux qui se posent sur le ventre comme l’Ovni ou le Sun Odyssey).
Les cailloux ou galets peuvent aussi être problématiques pour les bateaux dont la dérive rentre dans un puit car en effet, si un galet se coince dans le puits sous la pression du bateau, la dérive ne voudra plus descendre lorsque vous souhaiterez reprendre la mer, rendant la suite de votre navigation beaucoup plus compliquée.
Lorsque vous décidez de votre point de mouillage, assurez vous que le sol sera bon sur tout le rayon d’évitage du bateau. En effet, plus encore que pour un mouillage classique, le bateau pourra éviter alors qu’il n’y a encore que très peu d’eau. Il ne faudrait pas que le ou les safrans par exemple viennent frotter sur des cailloux au moment de la remise à flot du bateau. Si vous mouillez avec 2 ancres, ce problème est naturellement largement limité. Sinon, vous pouvez procéder de façon méthodique : choisissez le point exact de pose de l’ancre et affichez le sur votre GPS. Puis faite ensuite un tour complet de votre zone d’évitage, soit un cercle autour du point défini à environ 40m (en fonction de la longueur de mouillage prévue). Dans la plupart des cas l’eau sera suffisamment transparente pour un examen visuel de la nature des fonds, le sondeur faisant le reste. Si toute la zone est claire, nous pouvez revenir vers le centre du cercle et poser votre ancre. Sinon, décalez votre point de mouillage et recommencez l’opération.
2 – Etat de la mer
L’échouage ne peut se faire que par mer plate, sans vagues et sans houle. C’est généralement facile à anticiper pour l’échouage, mais parfois moins pour la remise à flot. Il faut absolument avoir consulter la météo pour savoir comment seront le vent et la houle au moment de la remise à flot du bateau. L’ovni est un peu moins sensible, mais tous les autres voiliers cités pour l’échouage ne sont pas construits pour subir des chocs répétés sur le fond lorsque des vagues ou de la houle le soulèvent et le laisse « retomber » sur le fond. Par ailleurs la sensation est très désagréable pour l’équipage surtout pendant la nuit. A Sauzon, il n’y a aucun risque de ce genre comme dans les autres ports d’échouage (Kerity dans le Finistère sud, Port de la Croix à Hoedic, port de Sein…) , mais dans les abris forains, comme aux Glénan par exemple, qui sont beaucoup plus ouverts, il faut vraiment se méfier.
Les RM, perchés sur leurs 3 pattes ont l’inconvénient aussi de générer des bruits d’eau lorsqu’un petit clapot vient lécher le fond de coque entre les 2 quilles.
Tout pousse donc à choisir un endroit très calme.
3 – Evitage et comportement des autres bateaux
C’est probablement le point le plus délicat lorsque l’on se lance dans un échouage forain. Le tout est de bien appréhender la manière dont votre bateau va se déplacer par rapport aux autres bateaux. Par exemple, un RM 1180 se posera et ne pourra alors plus bouger dès que la hauteur d’eau passera sous la barre des 1,95 m. Alors qu’un Ovni ou le Sun Odyssey 32 de notre flotte continueront à éviter encore pendant quelque temps avant que la marée ne soit suffisamment basse pour les immobiliser sur le fond. Si le vent ou le courant change entre votre échouage et celui de vos voisins, vous pouvez vous retrouver dans une situation plutôt délicate. Lors du déséchouage, il est presque certain que le vent et le courant auront changé de sens et que le bateau tournera autour de son ancre dès qui flottera de nouveau. Il faut absolument être certain qu’il aura la place de le faire même si certains bateaux autour de vous ne sont pas encore à flot.
Un inventaire des bateaux voisins est donc nécessaire : type de bateau, tirant d’eau minimum ou d’échouage, longueur de mouillage, mouillage simple ou embossage.. pour essayer de savoir quand et comment ils éviteront.
Deux solutions pour parer aux ennuis éventuels (nuit sans sommeil en premier lieu). D’abord vous mettre suffisamment loin des autres pour que vos rayons d’évitage ne se chevauchent jamais. N’hésitez pas à dialoguer avec vos voisins pour vérifier en particulier la longueur de mouillage qu’ils ont choisie et la manière dont ils envisagent de sécuriser leur mouillage pour la nuit. Sur la plage du Loch aux Glénan dont nous avons déjà parlé, il y a normalement suffisamment de place pour cela. Sinon, vous pouvez embosser, mais il faut que vos voisins l’aient fait aussi pour que vos bateaux aient des comportements à peu près similaires.
Si vous choisissez un port pour échouer, il est alors impératif d’embosser. A Sauzon, vous avez des coffres pour l’avant et l’arrière du bateau et vos voisins seront amarrés aussi de cette manière. Il n’y a plus aucun souci à se faire.
4 – l’Annexe
Un piège fréquent consiste à laisser l’annexe se promener à l’arrière du bateau lorsque l’on est au mouillage. Attention car à marée basse, il est presque certain que vous annexe se mettra alors sous le bateau (un atavisme connu des annexes 😉). Lorsque l’eau remontera, l’annexe se trouvera coincée et sera extrêmement difficile à dégager. Et on ne pourra pas non plus la dégonfler car les valves ne seront pas accessible car coincées sur coté coque du bateau.
Il faut donc bien penser, avant que l’eau ne baisse, à remonter son annexe ou au moins à faire remonter son nez sur la plage arrière du bateau. Ainsi vous êtes certain qu’elle ne se glissera pas subrepticement sous le bateau.
5 – Moteur et toilettes
Et enfin, un dernier point sans gravité mais qu’il ne faut pas oublier : il n’y aura plus d’eau pour les toilettes ni pour faire fonctionner le moteur Inboard.
Pour les toilettes ce n’est pas très grave car vous pouvez utiliser momentanément l’eau de la douche.
Pour le moteur, il faut juste, avant l’échouage anticiper la charge des batteries pour ne pas vous retrouver à court d’électricité alors que l’eau est basse. Mais, généralement la nuit, la consommation est très faible et vous aurez fait déjà un peu de moteur pour venir vous installer à votre place. Sur la plupart des bateaux, le guindeau aussi ne pourra pas être actionné car le moteur sera arrêté.
En suivant nos conseils, vous pourrez profiter pleinement de votre échouage et de mouillage calmes et moins fréquentés que ceux auxquels les autres bateaux quillard auront accès. Une manière de profiter encore un peu plus de notre fabuleuse zone de navigation.